A l’aube d’une transformation profonde, la plaisance est guidée par la durabilité et l’évolution des usages. Gianguido Girotti, Directeur Général Délégué du Groupe, et Eric Levet, architecte naval chez Marc Lombard Yacht Design Group, partagent leurs visions du bateau de demain.
Seront-ils plus faciles à naviguer ? Plus intelligents et autonomes ? Comment évolueront les espaces à bord et les modes de navigation ? Tribune prospective croisée pour faire cap sur 2050…
A quoi ressembleront les bateaux en 2050 ?
GGG : Dans vingt-cinq ans, nous pourrons communiquer avec nos bateaux. Ils interagiront d’une manière ou d’une autre avec nous, en proposant un programme pour répondre à nos envies du jour ! Je pense que nous entrons dans une nouvelle ère. Une ère où l’IA (Intelligence Artificielle) va amplifier encore davantage la capacité à rendre les bateaux plus faciles à utiliser, plus sûrs et plus rapides pour permettre de se focaliser sur l’expérience à bord et le plaisir de naviguer ! Depuis les cinquante dernières années, l’impulsion en faveur de la sécurité et de la technologie a été énorme. Et elle ne s’arrêtera pas, bien au contraire.
Au sein du Groupe, la navigation intelligente est déjà une réalité avec SEANAPPS : nous collectons et analysons en toute sécurité des milliers de données provenant de nos 8000 bateaux connectés via cette application. Cela nous permet de mieux comprendre l’utilisation et les habitudes de nos clients pour mieux répondre à leurs besoins. Notre façon de penser et d’analyser toutes ces informations est de plus en plus précise et qualitative. Pour demain, la proximité et la capacité à nous adapter à nos clients seront essentielles. D’où nos investissements dans les Boating Solutions, afin de faire un pas de plus avec nos clients pour optimiser leurs rêves et personnaliser leurs besoins. C’est une transformation clé pour l’avenir de la plaisance.
EL : Au cabinet, nous pensons que d’ici vingt-cinq ans, les voiliers de plaisance continueront à ressembler à ce qu’ils sont aujourd’hui. Ils auront toujours des voiles souples et des mâts en aluminium pour se mouvoir en transformant l’énergie naturelle du vent en propulsion. Les voiles seront plus facilement recyclables. Les voiliers auront toujours un moteur auxiliaire pour les manœuvres de ports et les conditions de navigation sans vent. Mais il sera de plus en plus électrique. L’autonomie en milles parcourus sera améliorée avec des batteries de plus grande capacité. Et ces dernières seront rechargées avec plusieurs sources : solaire, hydro génération, éolien (comme pour les voiliers de course).
Nous pensons aussi que les voiliers de 2050 seront toujours plus faciles à utiliser, plus stables et avec plus de confort et d’espace à vivre à l’intérieur comme sur le pont. Le plaisir à barrer et vivre la navigation sera toujours plus fort, et les performances sous voiles n’auront rien à envier aux voiliers des générations précédentes. Les bateaux à moteurs de plaisance vont eux aussi évoluer en grande partie vers des propulsions hybrides (thermique et électrique), pour limiter la pollution (bruit et gaz d’échappements) dans les ports et les mouillages. Il est probable que leur vitesse de croisière soit plus faible dans l’avenir pour conserver une autonomie suffisante.
En revanche, leur confort sera toujours plus grand, à la fois en mer et au mouillage. Pour toujours plus de confort, la stabilité sera renforcée grâce à des solutions passives qui amortissent les mouvements au mouillage. Pour les bateaux rapides équipés de moteurs hors-bord, comme le FOUR WINNS TH 36, les foils d’appoint vont être une voie très intéressante pour gagner à la fois du confort en navigation et en performance.
Comment évolueront les modes de navigation ?
GGG : La voile sera rapide et volante, le Dayboating également. A l’inverse, la croisière sera plus lente : à la recherche de confort et de stabilité tout en réduisant les émissions de carbone. Prenons l’exemple du « Foiling ». C’est la nouvelle façon d’aborder la navigation en dériveur, pour la Coupe de l’America et la navigation hauturière. Cette pratique évoluera vers la production en série, car les nouvelles générations l’auront toutes expérimentée. Le « Foiling » signifie également une très faible résistance dans la poussée, donc de faibles émissions de carbone. Ce qui sera une autre révolution majeure de la navigation de plaisance. De ce côté, nous avons fait nos premiers pas dans le Groupe avec le FOUR WINNS TH 36. Avec l’ajout du foil, ce bateau va réduire de 20% sa consommation lors de son utilisation et son comportement en mer va être considérablement amélioré. Cela participera à révolutionner l’expérience de la navigation.
Autre avancée plus récente : notre investissement dans Candela en 2024, et sa technologie de pointe du dynamic Foiling qui permet de réduire de 80% les émissions de carbone lors de l’utilisation et d’offrir un mode de navigation en vol complet. Je considère Candela davantage comme une entreprise technologique, de pointe, qui pourrait nous aider à développer différentes solutions autour de l’amélioration du confort de navigation de manière durable, pas seulement pour les bateaux à moteur.
EL : L’évolution des pratiques et des usages (voyages longue durée, projets de croisières estivales, habitat flottant plus sédentaire) va nous pousser à optimiser les prestations fournies. Et puis il y a la question cruciale de la réduction des impacts (CO2 principalement). Qu’ils soient liés à la construction des bateaux, à leur usage, leur entretien, leur transformation éventuelle, ou leur déconstruction en fin de vie. Ces sujets font déjà évoluer les bateaux d’aujourd’hui. Ils vont encore plus influencer leur conception d’ici 25 ans.
D’ailleurs, depuis des années le Groupe Beneteau effectue un travail de recherche et développement qui va profiter à ces bateaux du futur. Les avancées qu’il a réalisées en déployant de nouveaux matériaux plus durables, comme la fibre naturelle de chanvre ou la résine biosourcée, sont majeures. Sans oublier l’utilisation de la résine Elium® qui s’annonce très prometteuse après essais sur des bateaux de petite taille comme le First 44, le Mini 6.50 ou le Sun Fast 30 One Design.
L’autonomie énergétique au mouillage avec tout le confort nécessaire (eau chaude, frigos, etc..) sera essentielle pour limiter les émissions de CO2. Les notions de réduction d’énergie ou de limitation de puissance électrique seront au cœur des installations techniques des équipements des bateaux du futur pour en limiter l’impact. La notion de « délestage électrique » (optimisation de l’utilisation des sources électriques à bord), sera importante dans la culture du navigateur pour un « bon usage et de la bonne pratique ». Il faudra enseigner aux usagers que l’on peut « faire beaucoup avec moins » en ne faisant pas tout fonctionner en même temps, et obtenir ainsi une plus grande autonomie avec moins d’impact. Des équipements dédiés à la gestion des ressources sauront gérer et optimiser l’autonomie de façon intelligente. Dans vingt-cinq ans, ces notions seront très présentes dans la pratique du nautisme auprès des jeunes générations et futurs navigateurs.
Quel serait votre bateau idéal pour l'avenir ?
GGG : Pour moi, c’est un voilier monocoque capable de délivrer à la fois performances et plaisir en navigation, tout en étant équipé de technologies qui améliorent toujours plus le confort à bord. Au mouillage comme en navigation.
EL : Mon bateau idéal est multiple ! Si c’est un voilier : il sera peu équipé, bien toilé, très plaisant à barrer et suffisamment confortable pour y vivre plusieurs jours et nuits. Ce pourrait être un Sun Odyssey ou un Océanis de 35 pieds du futur !
Et si c’est un bateau à moteur, ce serait un « bateau cabane », très sobre en énergie, discret en esthétique, et très confortable au mouillage. Une sorte de bateau d’exploration, pour ralentir et contempler la beauté des côtes avec un impact minimum.
Gianguido Girotti
Directeur Général Délégué du Groupe et Directeur Général Division Bateau
Eric Levet
Architecte naval chez Marc Lombard Yacht Design Group